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Ma conception de la démocratie Tous les jours, je reçois des emails (pardon des courriels) d'internautes, ce pour lesquels je les remercie (et auxquels j'essaie de répondre sous sept jours). Mais mon but, quand j'ai créé ce site, c'était d'avoir deux boutons de plus dans la marge, l'un d'eux lié à une page blanche qui permette aux lecteurs de poster leurs réactions, leurs critiques, et autres commentaires ; et l'autre bouton qui serait lié à une liste de sites web que j'estime pourrait intéresser le lectorat. En attendant, je vais poster quelques commentaires sur le site de temps en temps. (Et rassurez-vous ; contrairement à bon nombre de journaux, je ne vais pas citer tous les messages de l'ordre "Bravo pour votre site", qui me font plaisir et sont très encourageants mais qui apportent peut-être moins aux lecteurs sur le point intellectuel, quel que soit leur point de vue.) Sur ce, allons-y. Un de mes fans m'envoie un mot amical. N'étant pas français de naissance — ce qui explique les fautes de français sur ce site, pour lesquelles je présente mes excuses, tant à l'intention du fan en question qu'à celle du reste de mon lectorat —, je me demande s'il n'y a pas une erreur grammaticale dans son email. En effet, est-ce que je me trompe quand je pense que la phrase "JE CHIE DANS TA BOUCHE D'AMERICAINE" ne devrait pas être, soit : "JE CHIE DANS TA BOUCHE D'AMERICAIN" (nom au genre masuculin pour désigner une personne de sexe masculin) ; soit : "JE CHIE DANS TA BOUCHE AMERICAINE" (adjectif épithète accordée avec un nom au genre féminin)? Ou alors la photo sur le site n'est tout simplement pas très ressemblante? Je me pose la question… Une lettre plus longue et plus sérieuse vient d'un dénommé Jérôme K (à part le fait que j'ai enlevé la plupart des salutations personnelles sans grand intérêt pour la majorité des lecteurs, elle est reproduite telle quelle). Ce document étant très long, je suggère que ceux qui voudraient le lire tranquillement impriment cette page URL plutôt que de le parcourir sur l'écran. Jérôme K : Je viens de parcourir votre site découvert grace (où a cause, c'est Je n'aime pas l'injusticeMerci pour votre lettre. Je vais tenter de répondre à toutes vos questions. Dans l'ordre : Non, je ne considère pas que mon site sert, ou que la majorité des sites comme le mien servent, à "appuyer le développement d'un sentiment de haine envers l'autre". Au contraire. Car la haine (comme vous l'appelez), visiblement, existe déjà ; ici, à Paris, en tout cas, je la sens en permanence, qu'elle prenne la forme du mépris, du dégoût, de la colère, de l'ironie, ou de ce que Jean-François Revel appelle “l’habituelle bordée de ricanements apitoyés et réprobateurs”. Je ne peux pas me permettre de parler au nom des autres webmaistres, je ne connais pas leurs raisons pour avoir ouvert leurs sites respectifs, mais jusqu'à preuve du contraire, j'imagine qu'ils ont créé leurs sites pour la même raison que moi. Et cette raison vient du simple fait que, au risque de donner l'impression de parler avec des paroles rébarbatives, je suis quelqu'un qui n'aime pas l'injustice. Quand j'entends un présentateur de la télévision dire que la capture de Saddam Hussein a été une humiliation pour chaque Irakien, ça me met en colère. (Je suis consterné autant parce que c'est faux — ou extrêmement exagéré, si vous préférez — que parce que c'est injuste.) Quand j'entends les manifestants à la télévision ou quand je lis dans le canard le plus indépendant du pays que l'équivalent moderne de Hitler ou de Staline serait George W Bush, j'ai l'impression qu'il y a autour de moi un manque de jugement que je qualifierais d'assez grave, surtout que le 43ème président n'est en fait que le dernier symbole des USA à servir de prétexte pour qualifier l'Amérique de "fasciste". Quand je vois un dessin sur la une du Monde qui assimile des symboles des États-Unis à des forces sataniques, je me dis qu'il y a une partie de la population qui ne sait très bien distinguer les dangers, possibles ou réels, qui puissent exister sur cette planète. Je serais moins consterné si ces "opinions" s'avéraient être tant soit peu distribuées équitablement — s'ils faisaient preuve d'un semblant d'objectivité — mais ce n'est visiblement pas le cas. C'est un cas de deux poids, deux mesures permanent. Auquel vient s'ajouter l'inévitable "Par comparaison, nous, nous sommes humanistes, généreux, solidaires, lucides, etc, etc, etc, ohlala ce qu'on est géniaux"… Et quand je parle d'injustice, je ne parle pas seulement des Américains. ("Tu crois que les Amerloques sont à plaindre, toi?!") Pas du tout. Je parle d'une vision du monde. Je parle d'injustice pour les millions de victimes de Staline, de Mao, et de tous les autocrates à travers l'Afrique, l'Asie, et l'Amérique latine qui non seulement n'ont pas commis l'erreur de chercher du soutien auprès de Washington mais qui se sont acheté une rédemption auprès des masses occidentales en tenant le discours politiquement correct de la résistance contre "l'anti-impérialisme yankee". Dans le contexte actuel, je crois approprié de prendre pour témoin cet habitant de Bagdad qui se lamente des "voix exécrables" des pacifistes occidentaux : Dans cette perspective, je trouve important, vital même, de rétablir un semblant d'objectivité. Et j'aime penser que mon site serait l'équivalent (je sais que ça peut paraître prétentieux, mais tant pis) d'un oasis de rationalité, d'une accalmie dans la tempête, "a breath of common sense". Jérôme K : Pourquoi continuer à jetter de l'huile sur le feu Mon propos n'est de jeter de l'huile sur aucun feu, quel qu'il soit. La raison d'être de ce site web n'est même pas d'attaquer ceux (Français ou autres) qui jettent de l'huile (constamment) sur le feu entre leur peuple respectif et les Américains. Sa raison d'être, c'est de témoigner sur ce qui est en train de se dire et de se faire, et de découvrir les dessous des choses. Ce n'est rien d'autre que de décrire les agissements de ceux (et pas seulement en France) qui jettent toute leur huile en prétendant que c'est sain et objectif, alors qu'ils attaquent systématiquement à une seule population (ou leur société, ou leurs leaders, ou leurs alliés), le plus férocement possible, avec des appels bruyants pour trouver les "vrais motifs", les "prétextes cachés", etc ; et cela alors qu'ils épargnent tout aussi systématiquement tout autre groupement, quel qu'il soit, pour des agissements souvent bien plus graves, avec des appels à la "compréhension" et à la "tolérance" et au fait qu'il faut regarder vers l'avenir. C'est une chose que je trouve foncièrement injuste (qui, de plus est, à mon avis, une chose qui ronge la capacité de raisonner et qui résulte en des politiques contre-productives, tant au niveau de celle du gouvernement français que de celles de divers groupuscules à priori non-étatiques), et c'est pourquoi j'ai décidé de monter ce site web. Ma Conception de la DémocratieVous semblez dire que c'est normal que la raison d'être des "médias officiels" soit de servir de centres de "propagande". Eh bien moi, je n'accepte pas cette vision des choses. Et je la rejette. Complètement. Pour moi, le seul média officiel, c'est (ou cela devrait être) le bureau du porte-parole du gouvernement, et rien d'autre. Et les gouvernements, ils ont, il faut leur accorder cela, le droit, comme tout le monde, de donner leur opinion. Quand un ministre (de quelque nationalité) prend une décision, fait un discours, ou fait voter une loi, le gouvernement dans lequel il sert a tout à fait le droit de "faire de la propagande", c'est-à-dire propager son opinion (forcément positive) de la chose. Le gouvernement donnera une image invariablement positive, voire héroïque, de lui-même. Et c'est son droit. Par contre, si le rôle des médias comprend le fait de rapporter cette "propagande" comme une partie des infos (sur les pages des infos, ce qui est aussi tout à fait normal), il comprend aussi celui de se poser en juge (sur les pages éditoriales). Ce n'est pas, d'une part, de mélanger les deux ni, d'autre part, de servir de porte-parole du gouvernement. Le journaliste se doit de garder un minimum de scepticisme devant toutes les interventions du gouvernement (et d'ailleurs, de toutes les affirmations de quiconque, qui qu'il soit) et de ne pas lui servir de porteparole, ne fût-ce que dans certains domaines particuliers d'une partie de sa politique (mettons, le ministère des affaires étrangères ou celui de la culture). Par exemple, bien de journaux hexagonaux ne restent pas indifférents aux agissements de la politique intérieure de leur gouvernement (qu'il soit dirigé par un Raffarin, un Jospin, un Balladur, un Fabius, ou autre), et ils leur rentrent même allègrement dedans ; et ils peuvent même être très bruyants en ce qui concerne certains aspects de, mettons, la politique extérieure — par exemple, les courbettes de Jacques Chirac devant la Chine — mais ces explosions d'humeur restent brèves. En ce qui concerne les USA, par contre, les médias — comme les citoyens — donnent un écho permanent, enthousiaste, et appuyé de la politique d'attaque (camouflé en politique de défense) contre ce qu'ils appellent sans vergogne l'ennemi public nº 1, non seulement de la France mais de la planète entière. Et quand un politicien, un intellectuel, une star, ou toute autre personnalité se pose en figure héroïque résistant aux Yankees, à la presse d'entonner la Marseillaise (ou l'Internationale) et de répéter comme des perroquets la litanie des derniers péchés scandaleux des Ricains. Et ce qui incombe aux médias incombe aussi à tout citoyen, peut-être avant tout à tout citoyen : il se doit d'être aussi impartial qu'un juge d'instruction — écouter impartialement les diverses parties (ainsi que les déclarations des témoins) et rendre un jugement (si l'on peut l'appeler ainsi) équitable et sans favoritisme. Même envers quelqu'un qui, apparemment, serait du même bord que lui. (Évidemment, dans un vrai procès, un juge dans une telle situation se désisterait.) Quand des publications et des télévisions, qui sont censées être indépendants, prennent invariablement la défence du gouvernement, de leur pays, ou de tout groupement quel qu'il soit en ce qui concerne leurs relations avec les États-Unis (ou, à l'inverse, l'attaquent systématiquement quand il prend une position favorable à Washington), je considère que, dans la mesure où ils s'accomodent d'une attaque permanente des États-Unis, les journalistes ne remplissent ni leur devoir de citoyen ni celui de journaliste. Évidemment, comme vous le dites, il existe des sociétés où il faut lire entre les lignes pour apprendre la vérité, et il se peut que d'aucuns (beaucoup "d'aucuns", même) s'en tirent fort bien, mais ce n'est pas ce que j'entends par une société libre. Voilà, for what it's worth, ma conception de la démocratie : c'est des citoyens (tant les journalistes que les autres) qui ont soif d'apprendre toutes les facettes d'un problème et des rédactions remplis de citoyens dont le devoir principal est de rapporter les faits, les faits, les faits. Impartialement. Et envers tous. Sans exception. C'est cela, je le repète, ma conception de la démocratie. Tout ce qui s'en éloigne, dans la mesure qu'il s'en éloigne, s'éloigne d'autant de ce qu'est une véritable démocratie. Le Site pour les 1%Est-ce que je pense que les Français sont "assez stupides pour prendre au pied de la lettre les gros titres qui font les choux gras de [leurs] journaux"? Mon premier réflexe est de répondre : Franchement, je n'en sais rien. D'ailleurs, ce n'est pas ma responsabilité, c'est la leur. Ensuite, mon site n'est pas fait pour les Français, ou les Américains, mais pour tout le monde. Enfin, je dirai que la phrase précédente n'est pas tout à fait vraie : comme un romancier qui dit qu'il n'écrit pas ses romans pour les autres, mais pour soi-même, je n'ai pas fait ce site pour les autres, mais avant tout pour moi-même. Cela dit, je dois demander, de quels Français parlez-vous? Les 60 millions? De la vaste majorité? D'une simple majorité? D'une pluralité? Je ne sais pas. Dans la mesure où mon site serait pour les Français, et en admettant qu'il n'y ait qu'un seul et unique pourcent des Français qui croit que les leurs sont naturellement plus humanistes, plus lucides, plus généreux, plus intelligents (etc), que les Américains abrutis, simplistes, fourbes, impérialistes (etc), alors mon site est pour cette partie de la population. Et s'il n'y a qu'un Français unique qui y croit, alors mon site est pour ce monsieur ou cette dame. Cela dit, force est de constater que, oui, beaucoup de gens prennent "les gros titres" au pied de la lettre, et pas seulement en France. Les terroristes qui ont envoyé quatre avions suicide sur New York et Washington y croyaient, par exemple, ainsi que tous ces Européens qui ont entonné la litanie (sans doute rengorgée d'humanisme au plus haut dégré) "Ils l'ont bien mérité". Quant aux citoyens de ce pays, quand leur président monte en flèche dans les sondages non pas pour s'être opposé à Moscou, non pas pour s'être opposé à Pékin, non pas pour s'être opposé à Harare, non pas pour s'être opposé à Bagdad (heaven forbid) — une opposition à de tels pays ou systèmes aurait au mieux été accueilli dans l'indifférence plus ou moins générale —, mais pour s'être opposé à Washington, eh bien, là je pense que quelque part, oui, les Français (que ce soit par stupidité, comme vous l'appelez, ou autre chose) prennent "au pied de la lettre les gros titres qui font les choux gras de nos journaux". Dans cette perspective, je ne peux que conseiller l'excellent livre d'Alain Hertoghe, La Guerre à Outrances : Comment la presse nous a désinformés sur l'Irak (livre qui a par ailleurs été ignoré dans les médias officiels et qui a valu au courageux rédacteur de La Croix d'être licencié). J'ajouterai que contrairement à d'autres, je ne considère pas ceci comme étant la faute des politiciens ou des journalistes. Je considère que c'est avant tout dû aux citoyens. Car ce n'est que naturel, que des journalistes ou des politiciens, citoyens baignés toute leur vie dans une atmosphère d'antiaméricanisme omniprésente, mettent toute leur énergie dans la lutte contre l'infâme Yankee. Parité dans l'antagonisme franco-américain?Maintenant j'en viens à la seconde partie de votre message. Comme beaucoup de Français, vous êtes prêt à admettre que les médias français ne sont pas objectifs, mais c'est pour aussitôt répondre qu'en Amérique, c'est (ou cela doit être) la même chose, sinon pire. Ce qui est accompagné par des rires méprisants, des coups de colère excessifs, “l’habituelle bordée de ricanements apitoyés et réprobateurs”. ou des commentaires ironiques absolutistes, du genre "Et toi, tu crois qu'en Amérique, tout y est rose, toi?" ou "Ouaaais, c'est ça, les States, c'est la plus belle démocratie du monde, ha ha ha!!!". Je vous le dis tout de suite et sans ménagement : Je n'accepte pas cette vision des choses qui dit, fondamentalement, "À moins d'être d'accord avec nous que l'Amérique, c'est un enfer, c'est que vous devez être naïf et croire que c'est un paradis" (étrange, pour des gens qui fustigent la soi-disante tendance des Américains de voir tout en noir et blanc, de tout diviser entre le bien et le mal), et je la rejette complètement. J'ai l'impression que cela vient d'un réflexe pavlovien qui consiste à toujours dire "De toutes façons, aux États-Unis, tout est au moins aussi mauvais que chez nous, sinon pire", sur la même longueur d'onde que lorsque Arlette dit "L'Amérique? C'est la misère!!" Et aux fustigeurs d'ignorer (ou de minimiser) les grandes lignes et de soumettre tout plein de détails supposément significatifs, alors que ce sont des "preuves" marginales qui sont utilisées hors de leur contexte. J'ai vécu des longues années aux States, tant dans le nord que dans le sud (c'est dans un journal bilingue en Louisiane que je fis mes premiers pas de journaliste), tout comme j'ai vécu plusieurs années, entre autres, au Danemark, en France, et en Belgique. Et s'il y a un pays où les médias ne repètent pas ce que disent leurs dirigeants, tant au niveau des États (ou des régions) et des municipalités qu'à celui du pouvoir central, c'est bien l'Amérique. S'il y a un pays où les opinions arrivent bien à être toutes publiées ou diffusées, c'est bien l'Amérique. S'il y a un pays où la méfiance des citoyens est dirigée avant tout envers leurs propres gouvernants — c'est même de mise — c'est bien l'Amérique. Vous mentionnez CNN. La chaîne d'Atlanta ne donne-t'elle pas la parole aux opposants du gouvernement? N'y voit-on pas John Kerry, Ross Perot, Al Gore, Martin Sheen, Jessica Lange? Durant la Guerre du Golfe, les dirigeants de CNN n'ont-ils pas toujours protesté que le Pentagone ne leur laissait pas la liberté de la presse et n'ont-ils pas annoncé clairement — et bruyamment — que les images avaient été "censored"? Ces accusations sont d'autant plus effarant que le liberal qu'est Ted Turner est publiquement opposé à George W Bush. (Ce n'est pas pour rien qu'il s'est marié avec Jane Fonda.) En fait, une constante de la vie politique en Amérique, c'est que les gouvernements, toutes tendances confondues, sont toujours en train de se plaindre que les médias sont dominés par des idéologues de la partie adverse (les liberals sous les Bush, les conservatives sous Clinton) — ce qui est peut-être justement un bon signe en démocratie. On évoque souvent Fox News. Mais si d'aucuns peuvent se plaindre que cette chaîne — une seulement parmi cinq ou six chaînes nationales — est pro-Bush, les alliés conservateurs de Dobeuliou se plaignent souvent que toutes les autres (y compris CNN!) sont inexorablement liberal et donc anti-Bush. D'ailleurs, cette prise de position n'a pas empêché Fox d'inviter tous les candidats démocrates sur leur plateau. Ensuite, comme l'a reconnu Fletcher Crossman (un ex-journaliste de la télévision britannique qui était contre l'invasion de l'Irak) dans le International Herald Tribune (son article concerne l'Angleterre, mais pourrait tout autant s'adresser aux Français et à bien d'autres Européens) : Je le repète, je n'aime pas l'injustice. Et si vous vouliez apprendre quelque chose sur les Américains à part les inanités habituelles, c'est qu'ils sont un peuple qui n'aime pas les injustices. (Et ce site est, en grande partie, une liste des dénonciations injustes et des accusations injustes — avec preuves à l'appui — qu'on fait aux Américains de par le monde.) Si vous voulez une liste plus complète, sous forme de livre, je vous suggère, entre autres, l'excellent L'Antiaméricanisme de Pierre Rigoulot. C'est pourquoi je refuse d'accepter la légende, répandue en France comme une traînée de poudre, comme quoi le French-bashing actuel serait équivalent à ce qui se passe dans l'Hexagone. En effet, une vue objective de la situation concluera que l'animosité des Américains est forte mais temporaire, liée au sentiment — sentiment justifié ou erroné mais sentiment honnête — qu'un ami et allié les a laissé tomber, pour ne pas dire les a poignardé dans le dos. Cette position n'a rien à voir avec son équivalent français : une position constante comme quoi l'Amérique n'est même pas un ami ou un allié (sinon intéressé) mais un espèce d'être monstrueux, et une lutte éternelle contre tout ce qui sent le Ricain — si ce n'est pas le président actuel, c'est le Coca-Cola ou les McDonald's, si ce n'est pas la présence de films d'Hollywood et de leur "propagande", c'est celle des impérialistes qui voudraient nous imposer leur langue. Il n'y a pas d'équivalent du Stallone des Guignols aux États-Unis, et si, par hasard, on pouvait dégotter un équivalent qui y ressemble, ce n'en sera justement pas un qui apparait tous les soirs, cinq jours sur sept, à longueur d'année. Quant aux blagues que les Ricains font sur le compte des Frenchies (et que ces derniers semblent trouver scandaleuses), elles aussi sont d'ordre temporaire. C'est ce que j'appelle un de ces détails tirés hors de leur contexte. L'humour américain — contrairement aux rumeurs — n'épargne personne. Si les Américains font des blagues sur les Français, ils en font tout autant (pour ne pas dire plus) sur Bush, sur son administration (Rumsfeld, Cheney, et Ashcroft autant que les autres), sur les élections présidentielles, sur John Kerry, sur Schwarzie, sur la guerre en Irak, sur Saddam Hussein, et — oui — sur le terrorisme et Ben Laden ainsi que sur l'incapacité de trouver les armes de destruction massive. Ce qui, par ailleurs, dément toute cette vanité francophone comme quoi les Américains abrutis seraient aveuglés par les néo-conservateurs ou qu'ils suivraient W comme des moutons abrutis. Jérôme K : Certes ils existent des personnes pour croire en ce que disent les Vous semblez oublier la croyance, commune en France, que l'Amérique est une "fausse" démocratie ; Que dis-je, le savoir que l'Amérique est la fausse démocratie par excellence . Et non, ce n'est pas lié seulement aux problèmes de l'élection de 2000. C'est un thème recurrent chez une partie de vos compatriotes (ceux-là même qui sont humanistes et ultra-lucides) qui serait plus tolérable si ceux-ci s'appliquaient à faire les mêmes "observations" — avec autant de mépris, de cynisme, et de véhémence — par rapport à des entités comme la Russie, la Chine, l'Afrique, l'Europe, ou… eux-mêmes. Jérôme K : En rencontrant plusieurs touristes américains à Paris, je fus stupéfait Pas du tout. Et je ne suis pas stupéfait. Parce que c'est la vérité. Si j'ai écrit l'article les Américains Anonymes — et si j'ai fondé le groupe du même nom —, c'est parce que (comme le confirment nombre d'internautes, tant américains qu'étrangers depuis la parution dudit article) ce sont des choses qui arrivent bien souvent aux Amércains à l'étranger. (J'en profite pour dire aux nouveaux membres : Welcome to the fellowship. Recovery is at hand.) Pour citer l'un des humoristes américains évoqués plus haut (Jay Leno) :
Quant au Last of the Famous International Playboys, il cite un article dans Le Parisien qui raconte : "Depuis la guerre en Irak, beaucoup d'étudiants, d'hommes d'affaires ou de simples touristes de passage avouent vivre une forme de pression à laquelle ils ne s'attendaient pas : remarques déplacées, blagues douteuses, agressions verbales (voire physiques)." Et de citer l'exemple d'une Américaine dans un magasin près de la Porte d'Orléans se vit effectivement prendre à part par l'un de vos compatriotes : "J'en ai marre de ces Américains. J'emm... Clinton, j'emm... Bush, et je t'emm... toi aussi", suite à quoi, cet homme lui a effectivement… craché dessus. Là aussi, le plus déroutant de cette affaire, c'est que les Français (ces êtres éminemment subtils, gracieux, et soucieux des bonnes manières) n'auraient jamais imaginer traiter de la façon un citoyen russe (quand l'URSS a envahi l'Afghanistan, par exemple), chinois (place Tien An Men), irakien (5 milliers de Kurdes tués par Comme le dit Paule Zapatka, "Tout [aux USA] est bon à discréditer ou à caricaturer". Mais j'en parle, de ces GIs américains (ainsi que de leurs frères d'armes britanniques et canadiens) : dans la série d'articles appelés Les Plages du Jour J (ce sont même les tous premiers textes à "orner" ce site). Par contre, pourquoi faire référence aux héros des années 1940, pourquoi citer cette période de l'histoire, si ce n'est tenir, directement ou indirectement, le discours omniprésent "Ah ceux-là, on les aimait, à cette époque, Washington suivait un chemin humaniste, mais hélas, aujourd'hui, c'est différent"? Vous terminez votre courrier avec une citation sur la mémoire. Une Française me disait récemment, "Ah, en fait, Reagan, il était pas si mal que ça", alors qu'on peut facilement parier que dans les années 1980, cette même personne aurait éclaté de rire si quelqu'un lui avait fait passer ce message ou si quelqu'un lui avait prédit qu'elle-même tiendrait ce discours une vingtaine d'années plus tard. Tiens, il n'est pas difficile de parier qu'en 2063, les habitants de la Mésopotamie regarderont les GIs (et les Tommies) de l'année 2003 et diront : "ceux-là, ah on les aimait bien". (Qui sait, peut-être bon nombre de Français et d'Européens, déjà en 2023, diront "En fait, Dobeuliou il avait quand même pas mal de bonnes idées, en fin de compte — certainement plus que le #@%$*&% qui est actuellement dans la Maison Blanche! Ahlala, le bon vieux temps…") En ce qui concerne les Irakiens, évidemment, il y en beaucoup qui tiennent ce discours déjà aujourd'hui. Parmi eux, les parents d'un garçon qui naquit le 11 juillet 2003. Le nom que lui donnèrent ses parents, c'est George Bush Abdul Kader Fadis Abed El-Hussein. Ces parents-là, on peut se permettre de douter quelque peu du fait qu'ils font partie de la population irakienne "humiliée" dans son ensemble par l'arrestation de Saddam Hussein. (S'ils avaient été approchés par l'équipe de France 2, nul doute que leur témoignage n'aurait jamais été parmi ceux qui ont été retenus.) On peut parier que ce qui les a fait rêver, c'est l'intervention de l'armée US. On peut enfin parier qu'ils lèveraient un sourcil ou deux s'ils apprenaient que le correspondant du Monde à Fallouja évoque "les chansons contre l'occupation américaine qui font les délices des Irakiens" Michel Bôle-Richard termine son article par ces paroles, à ajouter aux mots immortels dans l'histoire du journalisme français : "Comme quoi la musique permet de rêver !" Jérôme K : Pourquoi ne pas témoigner de l'attirance profonde d'Hemingway ou de Je sais que la France est un pays où l'on peut vivre heureux, "même" si on est américain ; j'ai même écrit un article sur le comportement à assumer si on veut y vivre (plus) heureux. Quant à la première partie de votre question, le propos de ce site est justement de démontrer que le message comme quoi l'idée que la culture américaine serait basse et limitative est hautement exagérée (je ne dirais pas que les créations de Walt Disney soient d'ordre "limité", par exemple, loin de là) ; et que de toutes façons, et contrairement à ce que nombre de gens semblent penser, ce n'est pas, et de loin, le danger le plus terrible qui puisse guetter l'humanité. Jérôme K : Je terminerais par une citation de Paul Auster Et moi (comme je parle beaucoup), je terminerais par quatre citations — la première, par un politicien français : Le Général de Gaulle :
La seconde, par Stanislas Sorokine, ex-colonel du KGB :
Ensuite, Thierry Wolton, l'auteur de La France sous influence : Paris-Moscou, 30 ans de relations secrètes :
Ce qui illustre parfaitement la dernière citation, qui provient, elle, de l'un de vos plus courageux écrivains contemporains : Pascal Bruckner parlait pendant la Guerre du Kosovo, mais sa référence au président yougoslave pourrait s'appliquer à n'importe quel autocrate, de Saddam à Staline, et à n'importe quelle situation, de la Guerre Froide à l'Irak : |
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© Erik Svane |