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Stallone et les Guignols À Manhattan, la fumée ne s'était pas encore dissipée que déjà Les Guignols de l'Info ne trouvaient rien de mieux que de faire jubiler leur Stallone en disant que la destruction des Twin Towers est un bon prétexte pour en venir — enfin — aux armes. En d'autre mots, les Américains ne seraient, fondamentalement, rien de moins (ni de plus) que des fous de guerre. Depuis, il y a une volonté affichée chez les marionnettistes "d'enfoncer" les évènements du 11 septembre 2001 pour bien montrer qu'ils ne sont pas bernés par la tragédie, car il faut bien que chacun se rende compte que les Yankees n'ont rien d'humain et que leur malheurs sont dus à leur propres erreurs — que dis-je? à leurs propres péchés et à leurs propres crimes — , et donc que la dernière chose à faire, c'est s'apitoyer sur eux. Pour les Guignols, les Américains n'ont aucune humanité en eux, puisqu'ils n'auraient aucun amour pour leur prochain (ils ne seraient même pas capables de pleurer leurs milliers de morts — ils ne seraient que trop contents de s'en servir comme prétexte — et encore moins capables de voir quelles pourraient être les conséquences d'un conflit armé).
Les marionnettistes de Canal + sont heureux quand il y a polémique sur leur émission, car ils prétendent que cela prouve qu'ils ont (bien) fait leur boulot de "provocation". Or, la différence entre leur Stallone et les autres marionnettes est qu'elle est la seule qui ne soit pas la caricature d'une personnalité (il ne s'agit aucunement de l'acteur du même nom, évidemment, malgré la ressemblance), mais celle de tout un peuple. (D'ailleurs, on voit souvent deux ou trois Stallone, voire des salles entières, dans leurs sketches.) Et ce peuple est toujours bête, borné, mesquin, fourbe, raciste, barbare, incapable de raisonner calmement, avide de dollars et de pouvoir, fou de guerre, responsable de la grande majorité des malheurs de ces 60 dernières années, et sans le moindre amour pour son prochain, fut-il étranger ou américain. En un mot, l'Américain, sans valeurs réelles, est tout sauf humain. Il ne serait par conséquent pas trop recherché de dire que le "Yankee" représente une race, ou un peuple, qui n'est jamais à la hauteur de la situation (pour ne pas dire carrément à côté de la plaque) et qui donc, à tous points de vue, est inférieur : c'est un monstre pour qui les gens raisonnables doivent alternativement afficher du mépris, de la colère, ou de la crainte. De ce point de vue, le Stallone de Canal + n'est ni plus ni moins la version moderne de la caricature des Juifs du 19e siècle. Trouve-t'on cette comparaison exagérée? (Les Guignols sont loins d'être les seuls ; pensez à certains dessins dans Le Monde, comme celui dans lequel, pour évoquer les Américains, Plantu campe des serpents). Souvenez-vous des dessins grotesques de l'époque : selon le préjugé qu'ils reflétaient, le malfaisant "Youpin" ricanant diaboliquement, était mesquin, ne partageait pas "nos" valeurs, ne serait intéressé que par le "fric" (au risque même de provoquer la guerre), etc. À tout point de vue, donc, il était inférieur, inhumain, monstrueux. Où se trouve la différence? Dites-nous. En fait, comme nous l'avons déjà vu, c'est à peine si les Américains constituent encore un peuple, selon les Guignols. Ayant perdu toute leur humanité, ils ne seraient plus que les membres aseptisés (des clones de Stallone) de la "World Company". Il y a ceux — marionnettistes ou autres — qui se moquent de ceux (les racistes) qui craignent les Arabes (les "bougnouls", dans le vocabulaire de Stallone), les Russes (les "Russkoffs"), les Chinois (les "Chinetoques"), etc. Mais ensuite ils se retournent souvent pour véhiculer le message qu'il faut craindre, et haïr, et se moquer, des Américains. Certains prétendent que la marionnette de Stallone ne caricaturerait pas le peuple américain, mais bien leurs dirigeants politiques, les commandants militaires, les chefs des grandes multinationales, etc, et que ce sont contre ces leaders, et non le peuple entier, que l'on se défend… Or, nous avons vu que ce type de discours n'a rien de neuf : il se trouve que ces arguments soutiennent la présente thèse, car en d'autres mots, ses adeptes appellent les leaders américains racistes, barbares, sans sentiments humains, et avides de pouvoir et de dollars. Or, si de tels monstres (le mot n'est pas trop fort) sont au pouvoir depuis un demi-siècle, il s'ensuit logiquement que les sujets qui les ont élus peuvent difficilement être, dans leur vaste majorité, autre chose que… bêtes, avides, racistes, ou tout du moins (criminellement?) inconscients, et donc qu'ils sont quelque part, eux aussi — directement ou indirectement —, des monstres. (Entre parenthèses, on aurait du mal à voir une seule marionnette, sur les ondes françaises ou celles d'un pays étranger, représenter l'entièreté de la classe dominante hexagonale, de Chirac et Jospin à Le Pen et Robert Hue en passant par Bernard Tapie et Serge Dassault. Cela dit, peut-être ne serait-ce pas impossible : à chaque fois que les choses n'iraient pas comme elle le veut, elle perdrait complètement les pédales et pesterait contre les Américains — les "Amerloques" —, dénoncés comme étant responsables de ses malheurs.) Il est d'ailleurs étrange, n'est-ce pas, comme quoi, pour les individus dans toutes les cultures et tout au long de l'Histoire, ce soit toujours — par le plus grand des hasards — les "autres" peuples, races, religions, classes, ou autres types de communautés qui seraient inférieurs et représentatifs de danger, et jamais les siens propres. Or, il n'est pas illégitime de se demander quelle espèce de mérite il y a à proclamer que ce sont les "autres" qui sont bornés et qui provoquent les catastrophes et jamais soi-même ni le groupement auquel on appartient ou auquel on s'identifie, qui, lui, évidemment — encore par le plus grand des hasards — est composé de gens raisonnables, pacifiques, et attachés aux vraies valeurs de l'humanité.
En tout cas, Stallone est la caricature qui permet au marionnettiste de Canal + et au téléspectateur — qu'il s'identifie comme un Européen, un Français, ou un gauchiste rengorgeant d'humanisme — de se doter avec facilité d'un sentiment de supériorité suffisant.
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