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Les Kapos, les Capos, et les Hitlers

Beaucoup de ceux qui sont scandalisés par les propos de Silvio Berlusconi (quand il a traité Martin Schulz de "kapo" au parlement européen pendant l'été 2003) auraient sans doute aussi été indignés si le premier ministre italien avait comparé le parlementaire allemand avec un gangster. Or, ce n'est pas le cas ; c'est le contraire. C'est ce dernier qui avait traité le « Cavaliere » de "parrain de la Mafia". Non seulement le parlementaire n'a-t'il pas été inquiété, lui, par ses propos à lui, mais on a aussi choisi d'ignorer le fait que si Berlusconi a lancé une injure, c'est parce qu'il avait été (auparavant) lui-même traité de capo.

(Étrange, par ailleurs, que personne ne semble avoir remarqué le fait que les deux injures s'avèrent être des homonymes. Est-il possible que le premier ministre ait fait un jeu de mots qui, dans les circonstances, est loin d'être bête ; ou qu'au contraire, il s'est borné de dire l'équivalent de : "Eh ben, toi t'en es un aussi" (c'est-à-dire, qu'il s'est en fait borné de traiter son collègue allemand de capo avec un C)? Il aurait été intéressant d'entendre le témoignage de l'interprète italien pour savoir quelle expression italienne il a employé pour traduire de la langue allemande (ou de l'anglais?), tout comme le fait de savoir si Berlusconi était en train d'utiliser ses services ou non.)

Qu'importe. Le propos de cet article n'est, finalement, ni cet incident ni Berlusconi en général. Car ce qui est important dans cette histoire, c'est que ce sont souvent les mêmes qui sont scandalisés par des faits de ce type qui aiment scander que l'Amérique est "fasciste" et que George W. Bush est un "Hitler", et cela sans qu'aucun journal ne traite ces propos de "« dérapage » verbal des plus malheureux" (Le Monde du 5 juillet 2003). En fin de compte, n'est-ce pas un peu plus grave de comparer quelqu'un au Führer du Troisième Reich qu'à un "simple" kapo?

Or, pendant les sempiternelles manifestations contre la politique de Washington de ces six dernières décennies, les États-Unis se font régulièrement traiter d'anti-démocratiques et de fascistes (ou d'être une "fausse démocratie") et tous leurs présidents, de Truman et Eisenhower aux deux Bush en passant par Nixon et Reagan, se sont régulièrement faits comparer à Adolf Hitler. Il faut en conclure que dans le cas de l'Amérique, ce n'est non seulement pas "inacceptable" de faire référence au Troisième Reich, ce n'est même pas une "dérapage" (pour reprendre les propos de Gerhard Schröder à propos du « Cavaliere »).

Ces attaques sont prononcées, soit dit en passant, par des "pacifistes" et des "partisans de la non-violence" qui prétendent refuser "la destruction [de] vies innocentes" ; mais qui, au fil des ans, ignorent allègrement les centaines de milliers ou les millions de morts causés par Staline, Saddam Hussein, et leurs pareils, tout en expliquant les nuances : "Staline a fait quelques morts, mais pas plus que les accidents de la route" (le PCF dans les années 1950) ou "Saddam comparé à Hitler, c'est évidemment une fausse analogie".

Passons sur la manque de jugement et de discernement qui semblerait exister ici. Notons juste qu'apparemment, un certain pan de la population et du corps politique détiendrait le monopole de diaboliser ceux qu'il n'aime pas et se réserve le droit de traiter ceux-ci de (néo-) Nazis.

5 juillet 2003



© Erik Svane

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