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Parfois le Cow-boy a Raison [note : cet article étant, contrairement aux autres, très long (il fait
l'équivalent de plus de 7 pages), il est recommandé de l'imprimer.
Par ailleurs, on y retrouvera certains éléments de mes autres articles.] Il fallait s'y attendre. Avant même que l'horreur du 11 septembre commençait à s'estomper, une vieille réaction anti-américaine refaisait surface. On continuait à nous répéter — avec raison — que nous ne devions pas faire l'amalgame entre les terroristes et l'Islam, mais c'était souvent dit comme si les Américains n'étaient pas assez intelligents pour comprendre ce simple état de faits. Des voix se sont immédiatement élévés pour avertir qu'il fallait faire attention à l'escalade, et éviter à tout prix de faire la guerre — qui pourrait devenir mondiale —, comme si les Américains étaient totalement inconscients de ce que pourrait représenter un conflit armé. Or, le patriotisme américain que nous avons vu depuis septembre 2001 n'est pas dénué de raison. Il s'agit d'un sentiment entièrement rationnel comme quoi il n'y avait pas d'autres options que de s'unir, et cela non comme des supporters d'équipes de football délirants qui crient "On va ga-gner, on va ga-gner!" Tant dans ce contexte que dans d'autres par le passé, on a vu des drapeaux, beaucoup de drapeaux, dans les rues américaines ; on n'y a pas vu des défilés monstres, on n'a pas vu des centaines de citoyens scander contre l'Islam, on n'a pas vu des ambassades et de consulats sous les jets de pierre, on n'a pas vu des enragés mettre le feu aux drapeaux afghan ou iraquien. Au contraire, ce patriotisme a été largement une détermination silencieuse, doublé d'un sentiment de tristesse la mort dans l'âme. Non, contrairement à ce que semble penser une partie de l'opinion française, les Américains ne sont pas inconscients des souffrances que peut apporter une guerre. À chaque acte de Washington, la réaction en Europe semble être : avertissement des dangers encourus par la dernière maladresse irréfléchie de la part des États-Unis ; l'action en question ; étonnement que les évènements ne se sont pas déroulés de façon aussi dramatique que prophétisé ; reconnaissance (réticente) qu'on s'est quelque peu trompé ; mais reconnaissance qui est aussitôt oubliée pour s'emparer de la dernière ignomie de Washington en date. Après l'écroulement des Twin Towers, on implore les Américains de ne pas agir précipitamment et de ne pas penser qu'aux armes. Trois semaines se passent sans qu'il ne se passe rien, militairement parlant, et la première chose que fait effectivement George W Bush est de s'attaquer aux comptes en banque présumés des terroristes. (Dans Le Monde, Jean-Claude Casanova déplore le "propos irréfléchi" des Européens "alors que ce qui caractérise les États-Unis n'est pas la précipitation mais la lenteur des préparatifs".) Des lettres remplis d'anthrax sèment un vent de panique aux States? On nous répète de ne pas faire l'amalgame avec les Arabes et les musulmans et d'attendre d'avoir suffisamment de preuves avant d'agir. C'est exactement ce que font les autorités américaines, et si le monde entier sait que les suspects principaux sont des extrêmistes américains (deux ans après, le ou les coupables n'ont par ailleurs toujours pas été trouvés), c'est que Washington a effectivement été franc et direct avec les pistes que le FBI a recueillies. La guerre va faire des milliers de morts "innocents", renforcer la détermination des Afghans, et mettre en danger le monde entier? En l'espace de quelques semaines, le conflit est terminé, la vaste majorité des morts sont des guerriers extrêmistes, les Afghans sont ravis d'être débarrassés des Talibans, et des centaines de milliers de réfugiés sont rentrés du Pakistan et de l'Iran. Il ne faut pas penser seulement aux armes, et ne pas laisser les Afghans se débrouiller seuls "cette fois-ci"? Le même Bush qui, d'un mosquée (américain) avait plusieurs fois appelé à ses compatriotes de ne pas s'en prendre aux Musulmans vivant parmi eux, évoque un "plan Marshall" pour l'Afghanistan devant le Congrès des États-Unis . Mais évidemment, répond-t'on d'une voix suffisante, tout ce que dit ce "malade" ne peut être que superchérie à laquelle on ne peut se fier. À chaque fois qu'une crainte est démentie par une action américaine (ou l'absence d'action), donc, on admet qu'on a peut-être exagéré le danger mais c'est pour sauter aussitôt sur une nouvelle peur. (Après la prise de Kaboul, c'était au tour du traitement des prisonniers à Guantánamo d'être présenté comme la dernière infamie américaine.) Et pourquoi pas? La croyance générale étant que les Yankees sont des êtres simplistes, bornés, fourbes, et enfantins et tout ce qu'on peut faire avec de tels êtres est prier qu'accidentellement ils feront le bon choix. On nous ressort la vieille image du cow-boy comme si ce personnage de l'Ouest avait été un individu dangereux et inconscient qui ne parlementait jamais mais était toujours prêt à en venir aux armes et à risquer sa vie (et celles des autres) pour des raisons dérisoires (ce qui, historiquement parlant, est un préjugé exagéré, pour ne pas dire complètement faux). Mais s'il se trouvait que cette image du cow-boy était la bonne, ne devrait-elle pas s'appliquer plutôt aux terroristes qu'à ceux qui réagissent aux actions de terrorisme? Or, quand on évoque les Islamistes on nous répète que nous devons essayer de les comprendre ainsi que les raisons pour leurs actes. Si on veut jouer le jeu de l'indulgence et du pardon, pourquoi faire deux poids deux mesures : ne pourrait-on pas essayer de faire un effort et essayer de comprendre les Américains, pour une fois, plutôt que, précisément, les réléguer à leur caricature de cow-boys? Et en parlant d'amalgames, je n'ai, à ce jour, entendu personne dire qu'il ne fallait pas faire l'amalgame entre le patriote U.S. débile de la caricature ambiante et la majorité des Américains dont le ralliement autour de la bannière étoilée est — comme nous l'avons vu ci-haut — entièrement rationnel, mesuré, compréhensible, et (peut-on le dire?) approprié. On nous préconise donc que les Américains devraient essayer de comprendre pourquoi on a agi ainsi envers eux. Un Français me criait dans l'oreille que les États-Unis devaient s'y attendre parce qu'ils sont responsables de tous les crimes et de tous les malheurs de ces dernières 50 années (ou en tout cas, ils sont responsables du fait que ces problèmes ne soient pas résolus). Eh bien, s'il était vrai (je dis bien "si") que les USA portent une telle responsabilité, alors je comprendrais effectivement qu'on ne puisse pas, comme lui, "sentir" les Américains. S'il était vrai que, à cause des "Yankees" et des capitalistes, le globe n'est pas arrivé au stade de paix et de bonheur durables auquel il a droit, alors je comprendrai que "le monde entier" se méfie des États-Unis. En fait, si cela était vrai, cela signifierait que les Américains sont des êtres monstrueux (les religieux diraient… "sataniques"), et alors je pourrais même dire que je comprends qu'il faille commettre des attentats contre les intérêts américains, où qu'ils soient, et que l'on dise que "tuer des Américains est un devoir sacré." J'ai un seul problème avec ce type d'opinion. Je n'y crois pas. Et non seulement je n'y crois pas, je ne trouve pas beaucoup de mérite dans une opinion qui rejette toute la faute sur le dos de boucs émissaires. J'irais même jusqu'à dire que cela paraît intéressé. Le monde de l'anti-américanismeLe monde de l'anti-américanisme est un monde où la terre entière est naturellement pourvue de compassion, où la terre entière aspire à la paix, où la terre entière est prête à vivre en harmonie, ou disons plutôt qu'il pourrait le faire s'il n'y avait ce peuple "barbare" qu'est le peuple américain — ou leurs dirigeants, si l'on préfère — ainsi que leur système capitaliste qui, par méchanceté, par bêtise, ou par aveuglement, empêche à lui seul le monde de réaliser son véritable potentiel. C'est un monde où tous les individus, et tous les peuples, sont par nature bons et innocents et pacifiques, mis à part ces racistes xénophobes, mesquins, et avides que sont les "Amerloques" (ou leurs dirigeants). C'est un monde où l'on prêche la compassion, l'indulgence, le pardon, et la fraternité, mais pas pour les Américains, les riches, et les capitalistes qui, dans l'imagerie populaire, sont souvent décrits comme rien de moins que de la vermine.C'est un monde où l'on nous dit, avec raison, de ne pas faire l'amalgame des terroristes avec le monde musulman, mais où l'on affirme volontiers que les meurtres de trois Musulmans aux États-Unis est preuve que tout ce peuple est raciste, dépravé, et horriblement dangereux. C'est un monde rempli de "populations civiles innocentes" auxquelles il faut à tout prix éviter de porter préjudice, sauf aux USA, où l'assassinat de 3000 personnes au World Trade Center est "expliquée" par le fait que le peuple américain, lui, est coupable, et cela, directement ou indirectement, de tous les maux du monde de ces 50 dernières années. C'est un monde où l'on se dit que la participation des G.I.s dans la Seconde Guerre Mondiale était certes positive mais qu'appartenant à une époque révolue, elle ne serait plus d'actualité, alors qu'on n'hésite pas à évoquer Hiroshima et Nagasaki comme illustratifs de ce que représentent, et de ce qu'auraient toujours représenté, les États-Unis. (Il est vrai que le fait de se rappeler par exemple des batailles de Okinawa et Leyte Gulf, qui causèrent plus de morts dans le seul camp japonais que sous les bombes atomiques — 110.000 et 56.000 sur ces îles contre quelques 80.000 et 40.000 dans ces villes —, ne manquerait pas de refroidir quelque peu les arguments des antiaméricains.) Alors que la guerre vieille de 60 ans ne serait plus d'actualité (mis à part les bombardements atomiques, donc), on n'hésite pas non plus à s'insurger devant l'esclavage, alors qu'il a été aboli il y a près d'un siècle et demi et qu'il ne concernait pas les deux tiers de Blancs américains habitant dans les États du Nord, où il avait été aboli. C'est un monde où la compassion est de rigueur pour tous sauf les États-Unis ; le cynisme, la crainte, la colère, et l'amertume doivent l'emporter sur l'amitié et la solidarité avec les Américains, car apparemment seul le cynique voit la vérité profonde, à savoir que ces êtres sont en fait des impérialistes méprisables responsables de tous les vices du dernier demi-siècle et, par extension donc, de leur propre sort : "Qui sème le vent récolte la tempête." Or, je ne souscris pas au cynisme pour la simple raison que ceux qui font preuve d'ironie, de colère, ou de crainte envers une cible quelle qu'elle soit, doivent nécessairement faire preuve de favoritisme. Les cyniques font toujours preuve d'ironie envers le(s) groupe(s) dont ils ne se sentent pas solidaires, et jamais envers ceux pour lesquels ils éprouvent de la sympathie. Dans le contexte présent, ceux qui se moquent des discours des Américains (d'œuvrer pour, et de représenter, le bien) débordent d’admiration pour leurs propres leaders, humanistes en Europe, islamiques ailleurs, quand ils se présentent comme l'incarnation de la compassion entre êtres humains, qu'elle soit divine ou autre. Ceux qui trouvent méprisable le patriotisme américain, n'ont souvent eu aucun scrupule à couvrir de louanges les pays du Tiers-Monde (y compris musulmans) et leurs efforts "remarquables" pour "bâtir" leurs nations respectives, et l'information comme quoi leurs leaders seraient souvent des autocrates qui se remplissent les poches est décrite comme un état de faits effectivement regrettable mais en fin de compte rejeté ou… mis sur le dos des États-Unis et des capitalistes(!). Ceux qui s'étranglent de rire en évoquant le pays de la "soi-disant" démocratie et des libertés "fantoches" n'ont pas de scrupules à déclarer, avec un ton sérieux et le front grave, que le système de l'Union Soviétique (qui entraîna 50 à 80 millions de morts) fut, il est vrai, horrible mais en dépit de ces horreurs il reste tout de même une idée ô combien humaine et généreuse. Le cynisme est une solution de facilité qui s'arroge le droit d'une vue déjà établie, évitant ainsi deux efforts : celui de regarder les circonstances particulières à chaque situation et celui d'utiliser son cerveau. Le monde de l'anti-américanisme est un monde où les "crimes" de l'Amérique passeraient inaperçues, si ce n'était la présence d'une certaine élite (que ses membres se révendiquent comme européens, français, représentants d'une France du terroir et de la tradition, ou membres d'une certaine gauche humaniste) — élite qui se veut généreuse, visionnaire, pacifiste, solidaire avec les opprimés, et immunisé contre cette faiblesse évidente qu'est le sentimentalisme déplacé envers les "Ricains". C'est un monde où celui qui s'oppose aux États-Unis fait preuve de pensée rationnelle et donc de vision, alors que celui qui défend les Américains, ou qui ne se joint pas aux attaques sur les USA, doit nécessairement être aveuglé soit par la culture américaine soit par ses propres émotions. (Étrange qu'il ne soit jamais de mise, dans les cercles antiaméricains, de dire de quelqu'un qu'il est aveuglé par son antiaméricanisme…) On aura tendance à évoquer l'ingérence U.S., ou les actions militaires américaines, comme si elles étaient totalement gratuites — "Ils n'avaient qu'à pas lancer des bombes sur Untel" ou "se mêler de ce qui ne les regarde pas" ou "jouer au gendarme du monde" — et sans la moindre provocation (ou alors l'action provocatrice était compréhensible, donc la faute en fin de compte des Américains), et surtout en avançant l'hypothèse catégorique que l'intervention devait de toutes façons n'être qu'intéressée ; que le pays dans lequel il y a eu intervention abritait nécessairement une société (relativement) paisible, dans lequel le peuple vivait (essentiellement) en harmonie ; et que l'absence de ces actions lui aurait nécessairement, et inévitablement, été plus salutaire. Or, il n'y a évidemment jamais qu'une seule alternative tant dans les relations internationales, nationales, ou tout autre. "Responsables" de la Guerre du GolfePlus pertinemment, on évoque les actions militaires de grande envergure prises contre les pays musulmans de tout ordre, en intimant que tout est la faute des États-Unis. Ainsi ceux qui crachent de colère en évoquant George Bush père qui "voulait" la Guerre du Golfe, doivent nécessairement passer sous silence le simple fait que sans l'invasion du Koweït par l'Irak, il n'y aurait pas eu de G.I.s dans la région. Ceux qui ont fustigé les médias américains pour avoir été partialles doivent nécessairement passer sous silence le fait que toutes ont protesté la censure du Pentagone (le mot "Censored" figurait bien en évidence sur toutes les images télévisées, si je ne me trompe), ainsi que le fait que la raison principale qu'elles n'ont pas couvert le côté irakien est simplement que Bagdad, sauf dans de rares exceptions, leur a interdit de le couvrir. On a vu bien peu de protestations sur les censures des médias irakiens, et arabes, ou alors on les a trouvé naturels. (En fait, à moins que les médias montrent des images montrant sine qua non que les militaires américains, et occidentaux, ne seraient autre chose que des tueurs barbares, on considère que les images ont été "censurées".)Surtout, Bush donna à Saddam Hussein six mois pour retirer ses chars (comme son fils donna plus de trois semaines aux Talibans pour lui remettre Oussama Ben Laden). Ne sont-ce pas des délais suffisants? En admettant que les Américains étaient vraiment ces fous de guerre qui "voulaient' la Guerre du Golfe à tout prix, qu'auraient-ils fait si Bagdad avait effectivement retiré ses troupes d'occupation? C'est une question à laquelle on préfère ne pas répondre. (C'est la question, aussi, que je posai à Jean-Pierre Chevènement — j'avais discuté quelques instants avec l'ancien ministre de la défense après avoir assisté à un débat télévisé en 1992, je ne suis pas son intime — et soudain il me répondit qu'il n'avait plus le temps de me parler.) Le monde de l'anti-américanisme est un monde où l'on cherche à faire preuve de compréhension et à trouver les raisons pour les haines, pour les désastres, pour les actes criminels, et où l'on arrive toujours à leur trouver des justifications plus ou moins valables. Or, on fait une exception : Car tout ce que font les Américains (ou paradoxalement, ce qu'ils ne font pas), ils ne le font que parce qu'ils seraient bornés, avides, dénués de sentiments humains, mesquins, inconscients, barbares, racistes, fous de guerre, et/ou responsables de la majorité des malheurs du monde de ces dernières décennies. En un mot, ce sont des monstres. On peut difficilement conclure autre chose que c'est un peuple inférieur. De ce point de vue, je comprends les individus qui déclarent avec colère qu'ils ne partagent pas le sentiment d'être solidaires avec les victimes de New York : Ils ne souscrivent pas à l'opinion générale que "nous sommes tous Américains", nous disent-ils d'une voix dédaigneuse. Car eux seraient plus intelligents : eux font partie d'une fraternité qui ressent de la compassion, tant pour les démunis en Occident que pour ceux dans le Tiers-Monde, et l'élite dont ils font partie n'entend pas, contrairement aux Européens aveuglés par leurs émotions, s'abaisser au niveau de monstruosité dont fait preuve quotidiennement les "Amerloques", qui de toute évidence n'en ressentent pas du tout. N'est-ce pas là leur message? Très bien, c'est une opinion comme une autre, pourrait-on dire. Mais quelle espèce de mérite peut-on attacher à une attitude qui dit, fondementalement, que "nous et les nôtres, nous sommes bons — de ce fait, nous sommes supérieurs — et les autres sont des cons." Moi-même, je n'en attache pas beaucoup. Encore une fois, le moins qu'on puisse dire c'est que c'est une opinion qui peut paraître intéressée. (Ceux qui pensent ainsi ne semblent pas pouvoir entretenir la pensée, par exemple, que certains Islamistes et communistes pourraient, eux, être ou avoir été tout simplement des racistes et des fous de guerre. Quant aux pays et populations du Tiers-Monde, ils ne sont évidemment jamais pour rien dans les crises respectives de leurs pays ou régions, par exemple la dépense irresponsable par leurs gouvernements de l'argent de la Banque mondiale. Non, tout est fondementalement la faute des Américains et des capitalistes.) En fait, on a l'impression chez certains anti-américains que la raison principale qu'ils s'inquiètent de conflits dans le monde, c'est qu'elle implique des gens et des individus qui ne voient pas la vérité profonde : que leurs ressentiments respectifs sont dérisoires et puérils, car le véritable ennemi, ce sont les États-Unis d'Amérique et son système capitaliste. Thèses SimplistesUn internaute me demandait avec ironie, "Est-ce que tu crois vraiment que le monde est divisé entre le BIEN (les États-Unis et ses alliés) et le MAL (toute personne avec un turban et un chameau)?" Bien sûr que non. Mais en parlant de thèses simplistes, on ne renchérit pas de proclamer que les Américains sont des fous de guerre racistes qui ne demandent que le moindre prétexte pour envoyer leurs missiles et leurs soldats semer la mort parmi des populations complètement innocentes et paisibles. On n'hésite pas de présenter le monde capitaliste comme le seul responsable, ou le responsable majeur, de tous les maux du monde. On ne renchérit pas, dans certains endroits au Moyen-Orient, de proclamer que le monde est divisé entre le BIEN (toute personne avec un Coran) et le MAL (les États-Unis et ses alliés). J'ai entendu d'innombrables personnes et lu d'innombrables textes — et avant tout, il est important de le souligner, à l'intérieur des propres États-Unis — fustigeant les USA parce que pour son peuple, le monde serait divisé entre bons et méchants. Pas de problèmes ici, mais pourquoi personne ne fustige-t'il jamais d'autres groupes, ou groupuscules, pour avoir des pensées similaires, dans lesquelles le rôle des méchants est tenu par les Américains et les capitalistes?Si d'aucuns attribuaient la plupart des malheurs de ce monde aux Juifs, ou aux Noirs, ou aux Arabes, ou aux Allemands, leurs paroles n'auraient pas été publiées, car il est interdit de sémer la haine, et c'est tant mieux. En fait, nous nous félicitons de ce que aujourd'hui, de tels propos soient bannis du vocabulaire, et que nous serions plus mûrs que nos ancêtres. Or, en fait, aujourd'hui ce langage est permissible par rapport aux Américains (ou aux Anglo-Saxons) et aux capitalistes. Nous nous félicitons de notre progrès, de la "lucidité" de notre génération, alors que tout ce que nous avons fait est changer de cible. Nous voyons tous ces préjugés chez Stallone sur l'émission des Guignols de l'Info : l'Américain type est bête, borné, fourbe, raciste, fou de guerre, etc… De ce point de vue, on peut se demander si la marionnette de Canal + n'est autre que la version moderne de la caricature des Juifs du 19e siècle. Trouve-t'on cette comparaison exagérée? Souvenons-nous des dessins grotesques de l'époque : ne prêtait-on pas au "Youpin" de jadis les caractéristiques néfastes prêtés aujourd'hui à "l'Amerloque"? (Encore une fois, c'est toujours l'autre le coupable de nos ennuis ; c'est jamais le groupe auquel on appartient ou auquel on s'identifie.) En fait, comme nous l'avons déjà vu, c'est à peine si les Américains constituent encore un peuple, selon les Guignols. Ayant perdu toute leur humanité, ils ne seraient plus que les membres aseptisés de la "World Company". Certains prétendent que la marionnette de Stallone ne caricaturerait pas le peuple américain, mais bien leurs dirigeants politiques, les commandants militaires, les dirigeants des grandes multinationales, etc, et que ce sont contre ces leaders, et non le peuple entier, que l'on se défend... Or, il se trouve que ces arguments soutiennent la thèse ci-présente, car en d'autres mots, ils appellent les leaders américains racistes, barbares, sans sentiments humains, et avides de pouvoir et de dollars. Or, si de tels monstres (le mot n'est pas trop fort) sont au pouvoir depuis un demi-siècle, il s'ensuit logiquement que les sujets qui les ont élus peuvent difficilement être, pour leur vaste majorité, autre chose que bêtes, avides, racistes, ou tout du moins (criminellement?) inconscients, et donc qu'ils sont quelque part, eux aussi — directement ou indirectement —, des monstres. (Entre parenthèses, on aurait du mal à voir une seule marionnette, française ou étrangère, représenter l'entièreté de la classe dominante hexagonale, de Chirac et Jospin à Le Pen et Robert Hue en passant par Bernard Tapie et Serge Dassault.) Peut-être dira-t'on alors, la différence avec nos ancêtres, c'est qu'avec les Juifs, c'était du racisme, tandis qu'avec les Américains, c'est …la vérité. Ah oui. La différence est palpable. Comme si nos ancêtres n'avaient pas eu des "bonnes et valides raisons" pour se méfier du, haïr, ou craindre, le Juif, le Noir, l'Allemand, l'Anglais, etc. Les Blancs du 19e siècle ne disaient-ils pas aussi que l'Africain, l'Indien, l'Arabe, étaient manifestement barbares (sans parler du "Boche", du "Rosbif", etc, à l'intérieur de l'Europe, qu'importe du moment que l'étranger soit un "autre")? N'était-ce pas parce que la Chrétienté, selon eux, faisait plus preuve de compassion, d'humanisme, et de solidarité que les religions des "Païens", que les missionnaires devaient s'ingérer dans les affaires des sociétés des pays d'Afrique et d'Asie? La terminologie religieuse et nationaliste ne sont plus de mise aujourd'hui, mais combien d'Européens ne diraient-ils pas que leurs sociétés font aussi preuve de plus de compassion que l'américaine et que logiquement, la société U.S. irait mieux si elle était dirigée par un Européen ou, si l'on préfère, quelqu'un de la trempe d'un Européen? La PauvretéBeaucoup de personnes diront que c'est preuves à l'appui qu'on tient un tel discours. Ici n'est pas le lieu pour discuter de cela en profondeur. Mais prenons tout de même un exemple concret. On s'exclame que la pauvreté aux States est une honte inadmissible. Certes, ajoutera-t'on, tous n'est pas rose chez nous, et nous n'avons pas toutes les solutions aux problèmes, mais... Il y a ce "mais", n'est-ce pas, ce "mais" qui suggère plus ou moins ouvertement qu'en fait nous avons plus de compassion que les Américains et que nous sommes de ce fait plus aptes à résoudre les problèmes, tant internes qu'internationales.Je suggère donc qu'on considère quelques faits. Il se trouve que le pourcentage des pauvres est plus élévé en Europe qu'en Amérique , soit 17% contre 13,8%. (Par contre, les Européens avaient presque tous l'assurance maladie, alors que 15 % des Américains ne l'ont pas). S'il faut remplir plus de critères pour entrer dans la définition de pauvre aux USA, par contre la vie est moins chère sur la majorité du territoire américain qu'en Europe. (Je n'ai jamais compris en quoi c'était avantageux pour les pauvres européens d'avoir à acheter des aliments qui coûtent jusqu'à 40% plus cher que leur vraie valeur sur le marché mondial.) En outre, l'International Herald Tribune a découvert la raison pour laquelle, tant en Amérique qu'en Europe, ces statistiques sont si peu connues et pour laquelle on parle si souvent des démunis là-bas et si peu des leurs homologues ici (qui serait à priori parce qu'il en existe moins en Europe) : En fait, Washington publie des statistiques annuelles sur les revenus, alors que Bruxelles ne les publie que tous les quatre ans, et les chiffres publiés sont par conséquent vieux de quatre années. Évidemment, aucun journal en 2002 (tant américain qu'européen) n'est intéressé par des chiffres datant de 1998 et du coup, personne ne se rend compte que les statistiques européennes sont plus élévées que les américaines. En ce qui concerne le prétendu égoïsme des Américains, il se trouve qu'ils ne donnent pas moins de 26 milliards de dollars aux charités par an. Les Européens ont beau faire fi de ces actions (rappellons toutefois qu'il s'agit de milliards, et non de millions) en protestant que chez eux, la sécurité sociale est garantie, regardons comme il est facile de retourner cet argument contre eux : Si les Européens insistent que les gouvernements prennent en charge les démunis, pourrait-on dire, ne serait-ce pas qu'ils savent que sans cela, sans les impôts, les pauvres n'auraient rien puisqu'ils (les Européens) se rendent compte que les leurs seraient trop égoïstes et avares pour prendre une décision délibérée de donner aux charités de leurs propres poches et de leur propre gré? Ce n'est pas ce que je pense, mais cela démontre que si on veut "prouver" que quelqu'un est égoïste et avare (ou inférieur, mesquin, raciste, fou de guerre, etc), rien n'est plus facile. J'ajouterai qu'il n'a pas été mon intention de minimiser le problème de la pauvreté telle quelle, mais juste de démontrer que la société US n'est pas aussi inférieure, ni que la société européenne est aussi supérieure, que certains veulent le croire. Dans le contexte de cet article, j'aimerais souligner que la réaction de certains lecteurs à ces lignes aura été immédiate : si on ne souscrit pas à la thèse de la démonisation de la société outre-Atlantique, c'est qu'on doit nécessairement être un naïf qui croit que tout y est rose. Qu'importe, s'écrieront certains, on ne peut nier qu'il existe plus d'inégalités aux States et moins d'aide gouvernementale qu'ici. Effectivement, mais cet argument aussi pourrait facilement être transformé — et il l'a souvent été — en un qui favorise la société US. Si les Européens sont tellement partisans de l'égalité toute-puissante, ne serait-ce pas qu'ils font preuve de jalousie (certains ajouteront morbide voire paralysante), tant par rapport aux autres éléments de leur société que par rapport aux autres nations (d'où l'anti-américanisme prévalent, justement). Individualiste, la culture américaine, lui, prône que plutôt qu'inciter le gouvernement (ou, sur le plan international, l'ONU) à abaisser, ou remonter, les divers éléments de la société (du monde) pour que tout le monde se retrouve au même niveau, l'individu (la nation) qui tient à améliorer sa situation personnelle — et rien ne l'y oblige — doit s'y efforcer lui-même. L'argument comme quoi cette solution fait fi des plus démunis, pour qui se sortir du pétrin est difficile sinon impossible, ne me semble pas réaliste. Il n'est jamais impossible de monter d'une seule marche pour affronter la marche suivante. Qu'est-ce qui empêche un SDF de faire du volontariat pour une quelleconque organisation, par exemple, ce qui l'incitera à rencontrer des gens à qui il pourra annoncer quel travail il aimerait faire, ce qui l'amenera éventuellement à rencontrer une personne qui est prêt à l'embaucher, sinon à lui faire suivre une formation? En Europe, on trouve une telle question honteuse, en faisant valoir que l'aide gouvernementale devrait être garantie à quelqu'un qu'on qualifie de "victime innocente". Justement : les Européens ne font confiance ni aux SDF pour se sortir de leur situation difficile ni aux plus aisés pour leur fournir de l'aide. Sans le gouvernement, il n'y aura pas d'amélioration parce que les citoyens ne viendraient pas à la rescousse de leur prochain. Voyez-vous comment on pourrait tout autant appliquer le qualificatif d'égoïste à la culture qui prône la lutte pour la garantie de l'égalité? (Et l'on peut rester assuré que ces arguments pourraient tout autant s'appliquer aux polémiques concernant le capitalisme et la mondialisation.) Il est intéressant, par ailleurs, de voir dans ces exemples qu'il existe des différences entre les Américains et les Européens, mais qu'elles ne sont pas celles prônées par ceux qui veulent fustiger les Yankees à tout prix et à toute heure. Ce sont des différences bien plus innocentes, liées à la culture et à l'Histoire. La société américaine est plus ouverte, premièrement, donc les Américains tout autant que le reste du monde sont plus avisés des aspects tant négatifs que positifs de la société U.S. Ensuite, et cette distinction est liée à la première, les Européens font confiance à leurs gouvernements et se méfient des individus, tandis que les Américains — ces Européens qui souvent ont quitté leurs pays pour échapper aux persécutions — sont méfiants de leurs autorités et font confiance au citoyen. Les Européens veulent donner relativement beaucoup de pouvoir à leurs élus pour qu'ils règlent les problèmes, et les Américains leur donnent le moins possible, parce que selon eux, c'est à l'individu d'assumer ses responsabilités, tant personnels que de conscience par rapport au reste de la société et du monde qui l'entoure. Je ne crois pas que l'on peut s'avancer pour affirmer que l'une ou l'autre solution est la bonne, tandis que l'autre est la mauvaise. Fondementalement, nous sommes devant une "banale" différence de culture, et tout au plus pourrait-on dire qu'une solution est préférable dans une situation, tandis que l'autre vaut mieux dans une autre. Comme le dit le toujours excellent Reginald Dale de l'International Herald Tribune, l'Amérique est le pays de l'opportunité, mais pas celui de la garantie. Et en Europe, c'est l'inverse. Tout simplement, Ces Européens qui critiquent les States sans cesse, ne pourraient-ils pas admettre, tout du moins, que le fait de ne publier des statistiques qu'une fois tous les quatre ans est un manquement total du type de société interventionniste qu'ils louent au plus haut et de la confiance qu'ils témoignent envers leurs institutions? Les Années 1930Les anti-américains croient qu'ils font preuve d'une originalité à toute épreuve et d'une capacité inhabituelle à raisonner qui échapperait à tout autre, et surtout aux Américains. Ils pensent qu'eux seuls sont plus malins que le reste de la planète, car eux seuls seraient assez intelligents pour voir les dessous du table. Eh bien, qu'ils se souviennent que dans les années 1930, on aurait très bien pu avancer toutes sortes de justifications pour ne pas s'opposer aux Nazis. On pourrait avancer, avec exactitude : "Si Adolf Hitler est là où il est maintenant, c'est à cause du Traité de Versailles ; ce sont les Anglais et les Français qui ont créé les Nazis!" On pourrait dire, avec un air compréhensif : "Tout ce que veut le Führer, c'est chercher la justice et recouvrir les terres ancestrales allemandes injustement perdues en 1919." On pourrait cracher d'ironie : "Et les Français et les Anglais, vous croyez que ce sont des anges? Ce sont des impérialistes avec des colonies dans tout le Tiers-Monde. Ce sont donc des fausses démocraties!" On pourrait s'indigner : "L'Allemagne a été dans une désolation totale dans les années 1920, et maintenant les politiciens arrogants à Londres et à Paris veulent sauvegarder l'hégémonie de leurs pays et par conséquent garder les Allemands dans un état de servitude." On pourrait faire de la psychoanalyse, "Souffrant du syndrome de la Grande Guerre, nos dirigeants sont obsédés par le danger «Boche» et ces fous veulent nous entraîner dans leur folie." Quand au Pacifique, on pourrait faire état de compréhension envers Tokyo, et dire "Les Japonais ne font qu'aspirer à un renouveau asiatique et de toutes façons, ils sont les pauvres victimes des Yankees qui ont réagi avec exagération et racisme anti-"jaunes" en leur imposant un embargo injustifié sur le carburant."En outre, on pourrait ironiser que Paris et Londres non seulement ont laissé Hitler rebâtir l'armée allemande, mais en plus ont directement contribué à cette modernisation, puisque la France de Léon Blum lui a vendu des armes (ceci ne doit pas être pris comme une attaque contre la gauche française, car je suis sûr qu'un gouvernement de droite aurait fait de même), une affaire qui en 65 ans a été quelque peu moins circulée en France autant que le fait que la CIA aurait été le formateur d'Oussama Ben Laden et/ou de Saddam Hussein. Enfin, on pourrait repéter comme un perroquet ce que disaient les Nazis, qu'en réalité les pauvres Allemands aryens auraient été les victimes innocentes des Juifs causes de tous les maux aujourd'hui attribués aux Américains. On pourrait dire tout cela, et, mis à part les attitudes raciales, on n'aurait peut-être pas, à certains degrés près, complètement tort. En fait, quand aujourd'hui on s'exclame avec ahurissement, "Comment a-t'on pu laisser Hitler en arriver là" et "Pourquoi la génération de l'époque n'est-elle pas intervenue plus tôt pour arrêter le fascisme", on ne semble pas se rendre compte que c'est précisément parce que les arguments ci-dessus ont été avancés et diffusés, tant par les Nazis et leurs sympathisants que par ceux — et c'est cela qui est important — qui n'étaient pas particulièrement attirés par le Führer et qui s'enorgueillaient en fait de "rejeter les deux blocs". C'est précisément parce que nos ancêtres voulaient faire état de compréhension et prôner le dialogue sacré — et qu'ils clamaient "Quelle connerie, la guerre" — qu'on a laissé Hitler faire pendant une demi-douzaine d'années. Et néanmoins, ce sont ceux qui ont (finalement) pris la décision de recourir aux armes, de s'enrôler, et de combattre les Fascistes qui ont manifestement eu raison. Alors que ceux qui ont essayé de faire preuve de compréhension pour Hitler et ses "raisons" se sont abusés. Les riches et les puissants n'ont pas toujours forcément tort, et ceux qui sont pauvres et qui clament — à tort ou à raison — avoir souffert ne doivent pas nécessairement faire l'objet de compassion paralysante. Il y a un temps pour les discours, pour l'indulgence, et pour la compassion — et que ce temps soit le plus long possible — et il y a (malheureusement) un temps (qu'il faut essayer d'éviter à tout prix) — pour se battre. 11 novembre 2001
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© Erik Svane |